Qui est cette Brésilienne amputée d’un bras qui dompte les pongistes valides et brille aux Mondiaux ? Par Kévin GUISNEL. Bruna Alexandre est définitivement une joueuse à part. Amputée d’un bras six mois après sa naissance, la pongiste brésilienne n’est pas une simple athlète handisport. Vice-championne paralympique à Tokyo, elle émerge dorénavant chez les valides. Au point d’être devenue une vraie taulière pour le Brésil aux Mondiaux par équipes de tennis de table, contribuant à qualifier son pays pour les JO de Paris 2024. Dans la grande salle de Busan (Corée du Sud), Bruna Alexandre n’est pas une pongiste tout à fait comme les autres. Au milieu des valides, elle a la particularité de ne jouer qu’avec… un bras ! Amputée du droit à l’âge de six mois à la suite d’une thrombose et une injection mal administrée, la Brésilienne de 28 ans s’est interdit de faire de son handicap une barrière. Sa présence aux Mondiaux de tennis de table en est la preuve et n’allez surtout pas croire qu’elle est uniquement symbolique. Bruna Alexandre, 227e joueuse mondiale, a fait ses points. Prenant son rôle de troisième joueuse sur les feuilles de matchs très à cœur et se révélant même déterminante dans la qualification du Brésil en 8e de finale, avant d’être battue par la Corée du Sud. C’est simple, elle a remporté quatre de ses six matchs et ne s’est inclinée que face à deux joueuses asiatiques d’un autre calibre, en l’occurrence la Japonaise Miu Hirano (n°18) et la Sud-Coréenne Zion Lee (n°44). Une fière représentation de sa patrie, qui va au-delà de la simple sélection. Elle pourrait même devenir l’une des rares athlètes à enchaîner Jeux olympiques et Jeux paralympiques, à l’instar d’une Natalia Partyka, pongiste elle aussi, et qui en a fait l’expérience à quatre reprises (2008, 2012, 2016, 2021), ou d’un Oscar Pistorius en athlétisme. « Je suis très heureuse et fière de montrer, à toutes les personnes handicapées, que tout est possible », a-t-elle lancé dernièrement dans une interview auprès du gouvernement fédéral du Brésil, rien que ça. « Ce n’est pas seulement ma réussite, mais celle de toutes les personnes qui travaillent avec moi. C’est un rêve qui est devenu réalité. » Troisième meilleure joueuse du Brésil Malgré sa distinction physique, Bruna Alexandre s’est imposée comme la troisième meilleure joueuse du pays, derrière les sœurs Bruna et Giulia Takahashi. Contribuant elle aussi de manière très active à envoyer son équipe à Paris cet été, pour les JO 2024. Le tout en parallèle de son activité handisport, qu’elle n’a découvert que six années après sa première licence, signée à l’âge de 7 ans, et pour laquelle elle est maintenant devenue triple médaillée (deux en bronze à Rio, une en argent à Tokyo) et 2e dans la hiérarchie mondiale en classe 10. « C’est quand j’ai commencé à participer aux championnats de l’État de Santa Catarina et que je les ai gagnés contre des athlètes de l’équipe nationale que j’ai commencé à me rendre compte que je pouvais accéder à une voie légale et m’améliorer de plus en plus », retrace la native de Criciúma, ville située au sud du Brésil. « J’ai perdu 25 kg en une année » Jouer avec les valides requiert toutefois pour elle un certain nombre d’ajustements. Au service déjà, sa main logeant à la fois la balle et la raquette. « Je peux servir comme des gens qui ont deux bras », répond-elle aujourd’hui. Une fois l’échange lancé, la question est surtout celle de l’équilibre. « Le tennis de table olympique m’aide beaucoup en ce sens. Je n’ai presque plus de problème d’équilibre aujourd’hui. Il peut m’arriver de tomber comme tout le monde, mais je peux atteindre chaque balle. En revanche, c’est plus physique parce que je dois être plus offensive sur chacune d’entre elles. » La pratique du skateboard devient alors un excellent moyen de travailler cet aspect de son jeu. « Cela apporte cette notion du corps et de l’équilibre. Toute la force du corps doit être stable parce que si tu deviens mou, tu trébuches, explique-t-elle encore. Avant Tokyo et les Jeux paralympiques, j’ai perdu 25 kg en un an. Je continue à travailler pour maintenir mon poids. J’ai un autre état d’esprit. Je vois bien en regardant les filles aux Jeux olympiques que j’ai besoin d’être plus légère pour pouvoir endurer encore plus. Les matchs sont en général plus longs, souvent au meilleur des sept manches. » Son niveau de jeu lors de ces Mondiaux par équipes atteste en tout cas de sa force de caractère. Et laisse sans doute aussi entrevoir de belles promesses.